Mon premier chamois : des naufragés au milieu d’un océan de nuages

Publié le 11 janvier 2019
Auteur Adrien Koutny
Récemment, j’ai eu la chance de m’envoler pour la Slovénie afin d’organiser un évènement Browning. Pour ceux qui ne connaissent pas la Slovénie, c’est un petit pays, anciennement membre de la Yougoslavie, situé à côté de l’Italie, de l’Autriche, de la Hongrie et de la Croatie. La Slovénie est un modèle unique en Europe. Chasseurs et naturalistes de tout poil cohabitent tranquillement, les montagnes ne sont pas souillées par le tourisme de masse et la faune est extrêmement diversifiée et abondante. C’est dans ce cadre idyllique que j’ai eu l’opportunité de prélever mon premier chamois, grâce à l’aide de mon bon ami Peter Matjasic, notamment propriétaire de la chaine YouTube WaffenlandTV. Récit de mes aventures.

Le début de la journée avant de trouver un chamois

Je me prends une claque dès le réveil, en ouvrant mes rideaux : face à moi, des montagnes enneigées et des forêts de pins. Le soleil est encore masqué par le massif et distille ses rayons avec la générosité d’un banquier suisse.

Arrivé dans la nuit, je n’avais pas pu me rendre compte de la beauté immaculée des lieux. J’enfile ma tenue Hell’s Canyon II et je descends à la salle à manger. Mon ami Peter m’attend à table, nous buvons rapidement un petit café.

A 6h15, nous sommes assis dans le 4×4 de Stane, le guide venu nous chercher. Tandis que notre voiture serpente en gravissant la montagne, la végétation et le brouillard me cachent une bonne partie de la vue. Le temps pour moi de chasser la brume de mon esprit, décidément peu enclin aux réveils aux aurores.

Un paysage à couper le souffle

Soudain, la vue se dégage, nous arrivons sur une plaine enneigée. Pendant quelques instants, j’ai le souffle coupé tandis que mon cœur s’emballe. Nous sommes au dessus d’une mer de nuages, à plus de 1700 mètres. Je me dis que si je chasse, c’est justement pour vivre des moments pareils. Des moments de communion avec la nature et de retour à l’essentiel.

Le 4×4 continue à grimper timidement. Il s’enfonce dans la neige, Peter et moi sortons pour pousser. Le froid me pique les joues, il fait -10°. Un peu plus loin, nous abandonnons notre véhicule au pied d’un refuge. Peter me donne la X-Bolt Composite 308Win qui m’offrira ce gibier unique qu’est le chamois. Nous continuons à pied notre ascension.

Peter et Stane, de 20 ans plus âgés que moi, grimpent comme des mouflons tandis que j’halète. Je préfère accuser l’altitude plutôt que mon penchant pour les raclettes, le chocolat et le tabac. Au sommet d’une crête, notre guide me fait signe de ne plus faire un pas. Quelques mètres plus loin, un vide vertigineux. Pendant de longues minutes, il scrute l’horizon avec ses jumelles. Aucun chamois à l’horizon.

Nous reprenons notre marche, à flanc de ravin, seuls au monde, toujours avec cette mer de nuages à nos pieds. Nous sommes des naufragés. Au loin, un village désert à cette époque de l’année, comme une oasis perdu au milieu de l’océan. Nous nous arrêtons à nouveau pour trouver l’animal tant attendu.


Une journée sans rencontre, mais riche d’enseignements

Finalement, notre guide comprend qu’ils ont dû changer de versant à cause des vents glaciaux des derniers jours. Nous rebroussons chemin et décidons de descendre sous le manteau nuageux. En route, nous croisons de nombreux chevreuils, nullement apeurés. Le domaine fait près de 50 000 hectares (!) et n’est que très peu chassé.

L’endroit semble propice. Nous progressons en marchant à côté du vide. Je me tiens à un câble métallique judicieusement placé le long du sentier. Mes bottines, efficaces en Belgique, ne font pas illusion ici. Je glisse plusieurs fois. Je redouble donc de prudence, mon assurance vie ne permettant pas à ma famille de se la couler douce durant des décennies. De plus, je ne voudrais pas mourir avant le chamois. Mes mollets chauffent, je savoure chacun de ces instants de paix bénie. Le paysage est à la mesure de ma satisfaction : immense et enivrant.

Je ne fais aucune rencontre ce jour-là. Stane semble perplexe, presque ennuyé. Tandis que nous redescendons vers la vallée, j’ai le sourire aux lèvres : j’ai passé une superbe journée.

On remet le couvert

Le lendemain, nous remettons ça. Darko, co-gestionnaire des lieux avec Peter, se joint à nous. L’homme est amical et se veut rassurant : « jamais personne n’est reparti d’ici sans avoir obtenu ce pour quoi il était venu ». Je suis loin d’être inquiet, conscient de ma chance. Et puis, je n’étais pas venu pour chasser.

Nous embarquons à nouveaux aux petites heures et optons pour un flanc de montagne différent. A nouveau, ce spectacle à couper le souffle. Le brouillard enrobe la forêt à nos pieds. Seuls quelques mètres nous séparent. Peter m’a prêté des chaussures plus adaptées, je ne glisse plus. Nous empruntons un sentier rocailleux à flanc de montagne. Nous voyons un chamois mangeant paisiblement sur le versant de la montagne d’en face. Inatteignable pour nous.

Tel un touriste déambulant dans Paris, j’ai envie de prendre des photos toutes les 3 minutes. Mais je suis conscient qu’aucun mot et qu’aucune carte SD du monde ne peut saisir la beauté de l’instant. Donc j’avance. D’autant plus vite que le brouillard pourrait soudainement remonter, graciant ainsi un chamois inconscient de sa chance.

C’est le moment de saisir ma chance

Stane et Darko me font signe de me taire et surtout de ne plus m’étaler à terre lamentablement. Nous arrivons à un point de vue donnant sur une falaise particulièrement appréciée des chamois. Peter m’informe dans un murmure qu’il y a deux ans, l’endroit où nous nous trouvons était couvert d’empreintes d’ours bruns, courants dans la région. Nous nous allongeons et pointons nos jumelles.

A 400 mètres environ, le gibier tant attendu. Une chèvre chamois (une chamelle ?) mâchonne quelques brins d’herbes. Nous décidons de nous approcher. L’animal est très résistant et une fois blessé, il parcourt de grandes distances. N’étant pas adepte des marathons en montagne, je ne veux prendre aucun risque, mon cœur n’y survivrait pas.

Je progresse difficilement sur ce terrain rocailleux et escarpé. Ma respiration s’emballe, l’air glacial me brûle la gorge. Une butte nous protège du regard perçant de l’animal, capable de détecter un léger mouvement à plus 500m. Je rampe sur les derniers mètres pour ne pas que ma silhouette ne se détache au sommet de la butte. Je me place derrière la crosse de ma X-Bolt.

Dans la lunette, un beau chamois. Il semble avoir compris que quelque chose se trame et regarde dans ma direction, mais mon camouflage A-TACS l’empêche de me repérer. Il est proche, à 150m environ. J’ai tout le temps d’ajuster mon tir. J’enlève la sécurité. Je caresse la détente Super Feather. Le coup part. La Winchester Extreme Point l’atteint sur le bas de l’épaule. Il plie les pattes avant, le grossissement x15 de ma lunette me permet de lire les expressions de ses yeux.

Le chamois bascule en avant, son corps dévale la pente raide. Notre aventure commune se termine ici. Intérieurement, je le remercie pour ces instants magiques.


 

PRODUITS RECOMMANDÉS